L’acteur et réalisateur français Jean-Marc Barr est internationalement connu pour avoir joué dans le film culte Le Grand Bleu.
Quand est-ce que vous avez ressenti pour la première fois, une connexion profonde avec l’Océan ?
Mon père devait aller au Vietnam, lorsque nous vivions à Washington DC, en 1968. Le départ était prévu à partir de Los Angeles, nous avons donc traversé le pays en voiture. Lorsque nous sommes arrivés sur la côte Ouest des États-Unis, ma tante nous a emmenés sur la plage de Santa Monica et j’ai couru dans les vagues. L’une d’elles m’a fait tomber, une autre est très vite arrivée. J’avais l’impression que la mer était en train de m’engloutir, et j’ai eu très peur, je croyais que j’allais mourir (rire). C’était ma première rencontre avec l’Océan, j’avais 8 ans.
Puis lorsque nous avons déménagé à San Diego, j’ai travaillé sur des bateaux de pêche. C’était une vraie aventure – naviguer sur l’Océan, c’était très « macho ».
Plus tard, je me souviens de deux moments très émouvants :
- Quand je m’entraînais pour Le Grand Bleu, avec un poids accroché à mes pieds, je descendais à dix, vingt, trente, trente-cinq mètres de profondeur. Après vingt jours d’entraînement, je m’étais habitué à descendre sans bouger, jusqu’à 35 mètres, je restais au fond durant trente à quarante secondes avant de remonter. Durant ces secondes avant de remonter à la surface, tu ressens une émotion particulière : tu deviens une part de l’univers, tu te rends compte de ta propre insignifiance. Tu deviens un grain de sable dans l’univers. D’un seul coup, ton existence n’est plus rien. Tu es un peu mort, d’une certaine manière. Tu retiens ta respiration, c’est comme une prise de conscience spirituelle et sensuelle. Il n’y a personne d’autres, uniquement le grand bleu. Je reviens souvent à cet instant spirituel, que je ressens également devant le Grand Canyon.
- Lors du tournage du film, en Italie, sur l’île du Stromboli, nous passions la plupart du temps sur une partie du littoral d’où nous pouvions voir le fond de la mer et y plonger. De l’autre côté de l’île, le volcan plongeait directement dans l’eau, à mille mètres de profondeur : je me souviens avoir sauté du bateau, mis mes lunettes et puis j’ai baissé les yeux. J’ai alors ressenti « l’appel du grand bleu ». Un gars sur le bateau m’a dit : « Laisse-moi te donner tes palmes. », j’ai répondu : « Non ! Je ne peux pas, parce que je ne vais pas revenir ! ». J’ai ressenti une émotion similaire à celle qui m’avait envahi lorsque j’étais enfant et qu’une vague m’avait emporté : une relation étroite avec la mort, avec l’immortalité, et ce sentiment étrange de la ressentir alors que tu es encore en vie.
Y a-t-il eu des expériences qui ont changé votre rapport aux êtres qui vivent dans la mer ?
Quand j’étais sur l’île Saint-John dans les Caraïbes, je nageais au milieu des dauphins. Ils étaient en semi-captivité, ils pouvaient s’échapper dans l’Océan s’ils le souhaitaient. Mais ils sont restés. Un soir, j’étais en train de nager dans la baie, un des dauphins est venu vers moi ; j’ai parcouru la baie, accroché à sa nageoire dorsale. Une fois que tu as goûté à cela, à ce sentiment de la liberté, tu deviens totalement « accro » ; c’est très difficile d’avoir une vie normale après ça (sourire).
Si vous deviez dire à quelqu’un pourquoi l’Océan est si important, que lui diriez-vous ?
C’est quelque chose de très personnel. Tout vient de l’Océan, tout est lié, tout est interconnecté. Notre vie dépend de l’Océan, et donc notre survie également. Il n’y a pas de mots, c’est une émotion : je suis la mer – la mer est moi, la mer est une partie de moi.
Peut-être qu’en tant que réalisateur, je devrais chercher à comment communiquer cette émotion : c’est probablement lorsque nous ressentons cette émotion, le chagrin, la tristesse de perdre ce qui disparait sur terre, que nous devenons déterminés pour changer les choses et agir pour sa préservation – Cette émotion devient alors le moment clé dans notre évolution.
Propos recueillis par l’auteure et environnementaliste Liz Cunningham, pour Ethic Ocean.