La Politique Commune de la Pêche (PCP) a vu le jour en Europe en 1982 et est révisée tous les dix ans. Conçue afin de gérer une ressource commune, elle définit une série de règles destinées à gérer la flotte de pêche européenne mais également à préserver les différents stocks de poissons.

Une politique communautaire révisée tous les 10 ans

Ses objectifs étaient initialement de donner à l’ensemble de la flotte de pêche européenne une égalité d’accès aux eaux et aux financements de l’UE, en vue de permettre une concurrence équitable entre les pêcheurs.

La réforme de 2002 visait à assurer « le développement durable des activités de pêche d’un point de vue environnemental, économique et social ». Cette réforme a été un échec, les objectifs n’ayant pas été atteints. En 2009, 88 % des stocks communautaires étaient surexploités. Il y avait une importante surcapacité des flottes, un manque de volonté politique pour faire respecter la réglementation, et peu de respect de la réglementation par la profession. En avril 2009, la Commission européenne faisait le constat des échecs de la PCP de 2002 dans son Livre Vert et lançait une large consultation publique en vue de sa réforme, en 2013.

La politique actuelle, adoptée par le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen fin 2013, est entrée en vigueur le 1er janvier 2014, avec pour objectifs de :

  • ramener les stocks de poissons à des niveaux permettant une exploitation maximale durable (RMD) d’ici 2020 ;
  • mettre fin aux pratiques de pêche génératrices de gaspillage ;
  • créer de nouvelles possibilités de croissance et d’emploi dans les régions côtières.

Elle comporte 5 axes principaux :

  • Établir des Totaux Admissibles de Captures (TAC) en accord avec l’approche du Rendement Maximum Durable (RMD), rendement qui correspond à la quantité maximum d’un stock de poisson que l’on peut prélever de manière durable ;
  • Interdire les rejets en mer ;
  • Mettre en place des Quotas Individuels Transférables (QIT) ; quota qui peut être transféré (échangé, vendu ou loué) à d’autres entreprises de pêche ;
  • Décentraliser la politique d’application de la Politique Commune de la Pêche.
  • Réformer l’outil financier d’accompagnement et de mise en œuvre de la nouvelle politique commune de la pêche, le FEAMP (Fonds Européen des Affaires Maritimes et de la Pêche).

Les principaux outils de gestion des pêches

Le Rendement Maximum Durable

Théorisé en 1935 par Michael Graham, le RMD (Rendement Maximum Durable) est devenu un outil de gestion des pêches et un objectif à atteindre, afin de concilier préservation et exploitation des ressources halieutiques. Introduit en 2013 dans la PCP, il est devenu au fil du temps une référence en matière de politique des pêches.

Le RMD correspond à la quantité maximum d’un stock de poisson que l’on peut théoriquement prélever sans porter atteinte à sa capacité de reproduction.

TAC et quotas

La réforme de 2014 imposait que les stocks halieutiques de l’Atlantique Nord-Est soient exploités au niveau du RMD d’ici 2020 et qu’ils s’y maintiennent par la suite. Cet objectif n’a pas été atteint, seuls 37 % des stocks européens suivis sont exploités durablement. L’introduction du RMD reste cependant l’une des avancées majeures de la Politique européenne actuelle. En effet, le nombre de stocks européens se situant au niveau du RMD est passé de 5 en 2009 à 29 en 2019.

Cependant, si l’introduction du RMD a été bénéfique pour la prise en compte de l’enjeu de durabilité dans les activités de pêche, il reste à être perfectionné.

Les recommandations formulées chaque année par les scientifiques auprès de la Commission européenne pour l’établissement des TAC, sont considérés comme fiables et sérieuses, ce qui constitue un autre point fort de la PCP (les recommandations scientifiques étaient peu suivies dans la précédente politique européenne et les TAC décidés par les Ministres de la pêche des États membres étaient souvent très supérieurs, entraînant une importante surexploitation).

Depuis la mise en œuvre de la Politique de 2014, les Ministres de la pêche ont progressivement davantage suivi les avis scientifiques.

Pour l’année 2020, 54 % des TAC ont été fixés en phase avec les avis scientifiques du CIEM (Conseil international pour l’exploration de la mer) tandis que 46 % des TAC ont été fixés en excès par rapport aux avis scientifiques du CIEM. Il s’agit là d’une régression par rapport aux décisions prises pour les TAC en 2019, pour lesquels les ministres avaient fixé 41% des TAC en excès par rapport aux avis du CIEM. La plupart du temps, aucune justification particulière n’est apportée pour expliquer le fait que certains TAC continuent d’excéder ces avis.

Interdiction des rejets en mer

La pratique des rejets consiste à rejeter à la mer, vivants ou morts, les poissons dont on ne veut pas, soit parce qu’ils sont trop petits, soit parce que le pêcheur ne dispose pas de quotas ou en raison d’un moindre intérêt commercial. La politique commune de la pêche prévoit depuis janvier 2015 une obligation de débarquement.

Afin que les pêcheurs puissent s’adapter à ce changement, l’obligation de débarquement a été introduite progressivement, entre 2015 et 2019, pour l’ensemble des pêcheries commerciales (espèces soumises aux TAC ou aux tailles minimales) de l’Union européenne. Cette obligation de débarquement est également obligatoire depuis 2019 en Méditerranée, pour les espèces soumises aux TAC.

Dans le cadre de cette obligation, toutes les captures doivent être conservées à bord, débarquées et imputées sur les quotas. Les poissons n’ayant pas la taille requise ne peuvent pas être commercialisés aux fins de la consommation humaine. Ils seront transformés en farine et huile de poissons pour nourrir les animaux d’élevage (aquatiques et terrestres) ou utilisés pour d’autres usages (fertilisants…).

L’obligation de débarquement est appliquée pêcherie par pêcherie. Les modalités de mise en œuvre figurent dans des plans pluriannuels ou, à défaut, dans des plans de rejets spécifiques. Une tolérance de 5 à 7 % est accordée pour les espèces soumises à quotas ou à des tailles minimales et des exceptions existent pour les espèces qui ont un taux de survie élevé lorsqu’elles sont rejetées (telles que la langoustine). Les États membres doivent s’assurer que leurs flottes respectent cette interdiction sous peine de sanction.

En 2020, l’obligation de débarquement, nayant fait lobjet daucun dispositif daccompagnement ou de dialogue, a été largement rejetée par les pêcheurs et reste encore inappliquée. Elle a cependant permis dinitier une véritable réflexion sur le sujet au sein de la filière, notamment sur l’amélioration de la sélectivité des engins de pêche. En effet, sans changement des pratiques de pêche, débarquer des poissons morts au lieu de les rejeter n’améliore en rien l’état de la ressource.

Les rejets dans l’Atlantique Nord étaient estimés à plus de 1,3 million de tonnes par an en 2005, soit 13 % du volume des prises. En 2008, au niveau mondial, les rejets étaient estimés à 7,3 millions de tonnes, soit 8 % des captures mondiales (au cours de la période 1992-2001).

Depuis le 1er janvier 2015, les rejets sont interdits pour le cabillaud et la sole. Depuis le 1er janvier 2016, ils sont interdits pour la plie, le turbot, le flétan, le merlu (Atlantique) et le merlan. Depuis le 1er janvier 2017, ils sont interdits pour la langoustine, l’églefin, le lieu jaune, la baudroie ainsi que pour le merlu et le rouget de vase de Méditerranée.

Depuis le 1er janvier 2018, les plans de rejets par pêcheries et zones ont été définis pour l’ensemble des autres espèces soumises à quotas ou aux tailles minimales. L’obligation de débarquement est appliquée pêcherie par pêcherie (des exemptions existent pour certaines espèces et certaines pêcheries, dans certaines zones de pêche).

L’amélioration de la sélectivité des engins de pêche est un enjeu clef pour limiter ces rejets. Il faudra développer de nouveaux systèmes de stockage sur les bateaux ainsi que de nouveaux systèmes de transformation de ces produits à terre.

Régionalisation

La PCP a permis de régionaliser un certain nombre d’instruments et de mesures : plans pluriannuels, plans de rejets, établissement de zones de reconstitution des stocks de poissons et mesures de conservation nécessaires au respect des obligations au titre de la législation de l’UE sur l’environnement. Cette décentralisation était souhaitée par une grande majorité de pêcheurs et soutenue par de nombreuses organisations environnementales.

Le FEAMP : instrument financier

La politique commune des pêches s’appuie sur un instrument financier, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Le FEAMP vise à contribuer à reconstituer les stocks halieutiques, à réduire l’impact de la pêche sur le milieu marin et à éliminer progressivement les pratiques dommageables de rejets. Il devrait contribuer à soutenir la pêche et les jeunes pêcheurs et permettre de dynamiser l’innovation, d’aider les communautés à diversifier leur économie, de financer des projets créateurs d’emplois et d’améliorer la qualité de vie le long des côtes européennes. Enfin, le Fonds souhaite soutenir le développement de l’aquaculture européenne dans le cadre d’une politique européenne de croissance bleue. Le FEAMP constitue un outil indispensable au développement d’une pêche durable, mais il demeure sous-utilisé  et mal orienté par les États membres.