Paris, le 7 avril 2015

L’alerte lancée en janvier dernier par les scientifiques sur l’état des stocks européens de bar est préoccupante. Face à cette situation critique, des poissonniers conscients de leur responsabilité et engagés pour la préservation des ressources de la mer, n’hésitent pas à agir en suspendant les ventes de cette espèce, pourtant importante à leur étal. En effet, l’arrêt de la pêche du bar, et par conséquent l’arrêt de sa consommation, pendant la période de reproduction, permettrait de préserver l’espèce. C’est à ce prix que le bar pourra continuer à être présent sur l’étal du poissonnier dans les années à venir.

Une espèce en danger

Les dernières évaluations scientifiques indiquent que les stocks de bar européen sont dans un état critique, particulièrement en mer du Nord. Une forte réduction des captures (-75% pour le stock de mer du Nord) serait nécessaire pour revenir à un niveau d’exploitation durable au plus vite. Une mesure d’urgence a été adoptée en janvier 2015 par la Commission européenne : depuis le 27 janvier, les chalutiers pélagiques ciblant le bar sont interdits de pêcher en Manche, mer du Nord et mer Celtique et ce jusqu’à fin avril. Cette période correspond à la période de reproduction de cette espèce. La période de frai du bar correspond à la période de rassemblement des poissons en bancs pour leur reproduction, c’est le moment idéal pour le pêcher en nombre, mais également le moment où la ressource est la plus touchée par l’activité de pêche.

Chalutiers et ligneurs

Les 21 chalutiers pélagiques français pêchant le bar, parlent d’une action injuste envers la profession, estimant qu’ils ne sont pas les seuls leviers d’action. Des aides financières pour compenser l’arrêt de l’activité jusqu’à fin avril devraient être mises en place pour les pêcheurs concernés par cette interdiction ponctuelle de pêche. De son côté, l’Association des ligneurs de la Pointe de Bretagne souhaite interdire, à tous et dans toutes les zones, la pêche du bar en période de pic de reproduction et relever la taille minimale de capture à 40 cm. Des discussions sont en cours entre l’Europe et les différents États membres pêcheurs de bar (France, Royaume-Uni, Irlande, Belgique et Pays-Bas principalement) afin d’instaurer des règles de gestion à plus long terme pour rétablir le stock.

Un réseau de poissonniers engagés

Face à ce constat, des poissonniers français ont suspendu leurs achats de bar sauvage jusqu’à fin avril (fin de la période de reproduction) et ne le proposent donc plus à leur clientèle. Professionnels engagés et conscients du rôle qu’ils doivent jouer en orientant les consommateurs vers des espèces durables, ces poissonniers souhaitent ainsi contribuer à préserver les espèces, mobiliser l’opinion publique et faire en sorte que des décisions soient prises rapidement au niveau européen pour rétablir la ressource.

Des alternatives possibles

L’objectif de cette démarche est de repenser et d’adapter la consommation d’une ressource sauvage selon le respect de la nature et de son cycle. L’achat de bar est à éviter pendant sa période de reproduction, et les poissonniers engagés trouvent des alternatives gustatives : ils recommandent à leurs clients des espèces proches en goût, non surexploitées, telles que le maigre ou encore le mulet, espèces moins connues mais tout aussi délicieuses. La raréfaction du bar sauvage ne serait-elle pas l’occasion de découvrir d’autres espèces méconnues ?

Des poissonniers engagés

Arnaud, Dimitri, Charly et Bruno sont des poissonniers qui veulent pérenniser les ressources et par conséquent leur métier.

Pour Arnaud Vanhamme, poissonnerie Vanhamme à Paris : « Le métier de poissonnier s’inscrit aujourd’hui dans un marché global dont les ficelles sont difficiles à maîtriser et comprendre, les enjeux sur le bar se jouent au niveau européen, mais c’est nous qui sommes touchés dans notre métier au quotidien. Il faut penser au futur et défendre nos ressources en favorisant la proximité, car sans matière première à travailler, nous perdrons notre emploi ».

Charly Hanafy, poissonnerie Lacroix à Paris : « Je ne vends plus de bar sauvage depuis l’alerte lancée en janvier dernier sur la ressource. Par mon action, j’ajoute ma pierre à l’édifice, je ne veux pas rester sans rien faire et attendre que les décisions se prennent d’elles-mêmes. Ce n’est peut-être pas grand chose, mais au moins je dors tranquille ».

Quant à Dimitri Oudart, poissonnerie du marché couvert de Colmar : « C’est une hérésie de vendre du bar en période de reproduction, d’une part pour le respect du cycle de vie du poisson, mais également pour la qualité de la chair, on tire un filet de 450 g sur 1 kg de matière, ça représente un gachis énorme ! ».

Bruno Reydel, poissonnerie Lauth à Strasbourg : « C’est une question de conscience. Si l’on veut continuer de profiter du bar à l’avenir, il est urgent de réagir et de ne pas le vendre pendant sa période de reproduction ».

Ces poissonniers sont membres du réseau de poissonniers engagés initié par SeaWeb Europe. Ils sont signataires d’une charte d’approvisionnement en produits de la mer durables. SeaWeb Europe accompagne ces professionnels afin de les aider à s’orienter vers un étal durable.